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“Je sais vous m’avez demandé de parler des femmes et du roman. Quel rapport, allez-vous me dire, existe-t-il entre ce sujet et une “chambre à soi” ?, interroge Virginia Woolf en ouverture d’une conférence sur le féminisme qu’elle dispensa aux étudiantes de l’université de Cambridge. Avec une irritation voilée d’ironie, Virginia Woolf rappelle dans ce délicieux pamphlet comment, jusqu’à une époque toute récente, les femmes ont été savamment placées sous la dépendance spirituelle et économique des hommes et, par voie de conséquence, réduites au silence. Il manquait à celles qui étaient douées pour affirmer leur génie de quoi vivre, du temps et une chambre à soi.”
Virginia Woolf, née Adeline Virginia Alexandra Stephen, est une femme de lettres anglaise. Elle est une petite fille fragile qui ne pourra suivre ses études normalement. Fille du philosophe et écrivain Sir Leslie Stephen, Virginia est marquée par l’enseignement de son père, érudit et austère, qui encourage sa curiosité intellectuelle. Elle perd sa mère en 1895 puis son père en 1904 et s’installe ensuite à Londres dans le quartier de Bloomsbury. Elle souffre déjà de dépression et se consacre alors entièrement à l’écriture. À cette époque, elle reçoit dans sa maison un cercle d’amis (Bloomsbury Group), dont Leonard Woolf qu’elle épousera, et Vita Sackville-West, avec laquelle elle entame une liaison qui durera tout au long des années 1920. Après la fin de leur liaison, les deux femmes resteront amies. Cependant, Virginia et Léonard ont des liens très forts et fondent ensemble la maison d’édition Hogarth Press en 1917 qui publiera K. Mansfield et une bonne partie de l’œuvre de T. S. Eliot. Elle commence à militer pour le droit de vote des femmes et participera toute sa vie à la cause féministe (“Une chambre à soi”, 1929). En 1922 paraît “La Chambre de Jacob”, texte novateur qui tente de s’éloigner des canons de la narration (influence de Proust et de Joyce). Son style est constitué de voix intérieures, de rythmes poétiques, d’envolées lyriques. Elle se révèlera comme une des grandes voix sensibles de la littérature avec ses deux romans suivants, “Mrs. Dalloway” et “La promenade au phare”, publiés respectivement en 1925 et en 1927. Son roman “Les vagues” lui donne une reconnaissance auprès du grand public. Également critique, elle dissèque les œuvres de Wells ou de Galsworthy. Régulièrement en proie à de graves crises dépressives, elle se sent devenir folle. Elle poste son dernier manuscrit “Entre les actes” puis dépose, le 28 mars 1941, une lettre sur le bureau de son mari où elle annonce son suicide (elle se jettera dans la rivière Ouse près de sa maison dans le Sussex). Elle lui écrit : « J’ai la certitude que je vais devenir folle : je sens que nous ne pourrons pas supporter encore une de ces périodes terribles. Je sens que je ne m’en remettrai pas cette fois-ci. Je commence à entendre des voix et ne peux pas me concentrer. Alors je fais ce qui semble être la meilleure chose à faire. Tu m’as donné le plus grand bonheur possible… Je ne peux plus lutter, je sais que je gâche ta vie, que sans moi tu pourrais travailler.»